Les citrons de Nicolas G. Hayek

Par Jean Lepage, lepage.jean@gatineau.ca

Les entrepreneurs experts accueillent favorablement les surprises et en tirent parti. Ils considèrent les « mauvaises » nouvelles et les surprises comme des pistes à suivre pour créer de nouveaux marchés. Ils démarrent avec une idée, et partent sur une autre suite à une observation, une suggestion ou un accident de parcours. Si la vie leur envoie des citrons, ils les transforment en limonade.

Nous sommes à la fin des années 1970. L’horlogerie suisse est en crise. Près de 60 000 pertes d’emplois. Les fabricants sont incapables de résister à l’envahisseur japonais qui propose des montres à quartz bon marché. Cette importante innovation, ignorée par les Suisses, a pourtant été inventée par ces derniers. « Ici on fait des montres traditionnelles », disaient-ils. Ils y ont cru jusqu’à la fin, lorsque le manque de vision amène ETA et ASUAC, deux grands fleurons de l’horlogerie suisse, à quelques cm du gouffre.

Un groupe d’ingénieurs de l’ETA réussit à mettre au point la Delirium Tremens, une montre en or, considérée comme la plus mince au monde. Mais la montre de luxe ne peut ralentir l’élan des concurrents bon marché. À partir des plans de la Delirium, deux ingénieurs imaginent la Swatch (pour Swiss Watch), une montre faite de plastique ABS, le même qu’on utilise pour les blocs Lego. Personne ne peut prédire à l’avance le succès cet audacieux produit. À cause de la situation financière précaire, l’entreprise n’a plus les moyens de risquer gros.

La mise au point de la Swatch est périlleuse et les déboires sont nombreux. Les aiguilles qui tournent à l’envers, les prototypes qui s’arrêtent de fonctionner subitement et les ventes qui tournent au cauchemar. L’entreprise tente de vendre sans succès sont invention, jusqu’à ce que les grands magasins américains Bloomingdale’s accepte de prendre la Swatch sous leur aile, mais à leurs conditions: deux collections par an, une vingtaine de modèles par collection, et un design original. La Swatch devient tout à coup un médium créatif pour bons nombres de designers, graphistes et grands couturiers. Qui aurait cru que la Swatch connaitrait un jour, un tel succès commercial planétaire ? Lorsque les employés sont en situation d’instabilité, des surprises apparaissent. L’innovation débute toujours par une intuition. Si les gestionnaires font croître des organisations, ce sont les entrepreneurs qui développement des gens et créent les organisations.

Le véritable talent de Nicolas G. Hayek,  le président du groupe horloger Swatch Group, tenait à sa capacité à faire des choix et de s’y tenir. Être innovateur, ce n’est pas saupoudrer les efforts toutes les directions dans l’espoir que quelque chose arrive, mais de repérer les filons les plus prometteurs, utiliser tous les moyens à leurs dispositions et tout faire pour y arriver, sans pour autant dépasser les limites de leur perte acceptable.

Pour en savoir plus sur Nicolas Hayek et l’histoire de la Swatch, lisez mon dernier livre Entreprendre et Réussir : 10 success stories de bâtisseurs d’entreprises francophones.

 

Une réflexion sur “Les citrons de Nicolas G. Hayek

Laisser un commentaire