Incuber, ou ne pas incuber : telle est la question

Par Jean Lepage

On assiste mondialement à une multiplication des formules et des dispositifs afin d’attirer un nombre croissant de start-ups. Il y aurait dans le monde plus de 7 000 incubateurs/accélérateurs. Le Québec ne fait pas exception à la règle. La popularité des incubateurs/accélérateurs au Québec ne dérougit pas. On en dénombre plus d’une centaine.

Les incubateurs sont souvent perçus par les autorités publiques comme une façon très efficace de supporter les startups et les entrepreneurs émergents. Mais sont-ils vraiment efficaces?

Selon plus de 35 articles académiques et 38 études sur la question, ce dispositif d’accompagnement qui fait généralement un bon travail d’assistance, n’est pas en mesure de démontrer sa capacité d’amener les entreprises à créer des emplois de qualité, à survivre et à accélérer leur croissance. 

Les incubateurs ne sont pas tous en mesure de livrer leur promesse

Les incubateurs fournissent généralement une gamme de services allant de l’accès à l’internet en passant par la formation, l’accompagnement de haut niveau et du mentorat. Mais la moyenne des incubateurs embauche moins de deux personnes à temps plein (1.8 emploi/ incubateur) pour environ 25 entreprises incubées. Ce qui est nettement insuffisant pour répondre aux besoins d’autant d’entreprises.

Est-ce que les entreprises incubées performent mieux que les entreprises non incubées?

La plupart des recherches académiques au sujet des incubateurs ne mesurent pas la performance des entreprises incubées par rapport aux non incubés. Comme la majorité des incubateurs ont des critères de sélection pour trier les candidatures, celles qui sont sélectionnées possèdent déjà des attributs que les non qualifiées ne possèdent pas. Cela crée un biais de sélection. N’entre pas qui veut dans le célèbre accélérateur californien Y Combinator. À tous les six mois, l’accélérateur reçoit plus de 10 000 applications. Avec un taux d’acceptation de 1,5%, Y Combinator est très sélectif. Y Combinator a contribué à lancer 3 000 entreprises, dont plusieurs sont qualifiées de grande réussite. Mais une startup sur cinq a cessé ses opérations.

Les succès d’un incubateur sont-ils générés par la qualité de son programme ou par ses critères de sélections très strictes? C’est peut-être une combinaison des deux, mais il n’y a pas d’études pour le démontrer.

Une seule étude a analysé les performances des entreprises incubées par rapport aux entreprises non incubées. En termes de croissance des emplois et de revenus, les entreprises incubées font légèrement mieux. Elles ont en revanche un taux de survie légèrement plus faible. Au total, la différence est marginale.

Des incubateurs/accélérateurs qui se démarquent

Au Québec, plusieurs incubateurs proposent des programmes et des infrastructures qui méritent une attention. Le Centre d’entrepreneuriat Alphonse-Desjardins Shawinigan (CEADS), Innocentre, CEIM, ou l’incubateur industriel de Drummondville qui en est rendu à sa troisième phase. 

Mais le programme qui semble le plus se démarquer c’est l’Accélérateur de création d’entreprises technologiques (ACET) de Sherbrooke. Ce partenariat unique entre les gens d’affaires et l’université de Sherbrooke.   Depuis sa création en 2011, l’Accélérateur de création d’entreprises technologiques (ACET) a accompagné 135 entreprises technologiques, dont 45 % ont atteint la phase de commercialisation.  Mais il n’y a pas suffisamment de données pour démontrer les retombées puisque l’impact d’un incubateur se mesure souvent en décennies. 

Pour être en mesure d’implanter ailleurs une expérience comme celle de l’ACET, le groupe promoteur devrait s’assurer de répondre à ces quatre critères :

  • Avoir accès à une pépinière de talents (une université avec des facultés de génie),
  • Avoir accès à une quinzaine de gourous qui possèdent de vastes réseaux internationaux et sont prêts à partager leurs contacts, et à contribuer temps et énergie en échange d’une rémunération symbolique 
  • Le financement privé de l’incubateur avant de penser à du financement gouvernemental
  • Avoir des locaux visibles et adéquats dans lesquels accueillir les start-ups

Conclusion

Les incubateurs/accélérateurs technologiques que l’on voit pousser un peu partout dans le monde et au Québec, ont généralement des retombées difficiles à démontrer. Certains entrepreneurs concluent que ces infrastructures diminuent leur autonomie et leur créativité. D’autres voient en ces structures, une façon efficace d’avoir accès à de l’information et à des idées. Ce type d’infrastructure peut être utile, mais il n’est pas une pièce maitresse dans la constitution d’un écosystème dynamique qui supporte efficacement les startups et les entrepreneurs émergents. Il peut être utile, mais il n’est pas nécessaire.

Les définitions

Incubateur

L’incubateur est axé sur la recherche de financement. Il procède à une validation interne du marché afin, par la suite d’aider à trouver du financement. La notion d’incubation implique de prendre très tôt un projet, en phase précommerciale, de l’héberger et de lui apporter un maximum de ressources, afin de le faire éclore.

Accélérateur

L’accélérateur vise quant à lui à générer des ventes le plus vite possible en dénichant un premier client payant (généralement une grande entreprise). Le besoin est validé au fur et à mesure que la solution est développée en étroite collaboration avec le client. Les revenus obtenus servent à trouver du financement. C’est le client qui valide le besoin. Le produit/service est a priori déjà prêt (même commercialisé). L’accélérateur travaille avec les fondateurs sur tous les aspects de la start-up, pour aller beaucoup plus loin, en créant un effet de levier important. 

Espace de Coworking

Le coworking est un type d’organisation du travail qui doit comprendre deux notions : un espace de travail partagé, mais aussi un réseau de travailleurs encourageant l’échange et l’ouverture.

Motel industriel

Les installations du motel industriel permettent à de nouvelles entreprises de bénéficier de locaux à des prix avantageux pour favoriser leur développement au cours des trois premières années de leur existence.

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