Comment créer une révolution entrepreneuriale?

Par Jean Lepage

La plupart des intervenants désirent développer l’entrepreneuriat. Il est possible métamorphoser votre communauté, en créant une véritable révolution entrepreneuriale. C’est possible de le faire en moins de cinq ans!

Des chercheurs, tel Daniel Isenberg du Collège Babson, ont parcouru le monde à la recherche des meilleures pratiques en matière de développement de l’entrepreneuriat. Voici sept grands principes qui vous guideront dans vos réflexions :

  1. Supportez l’entrepreneuriat de croissance avant tous les autres types d’entrepreneuriat
  2. Concentrez vos efforts géographiquement
  3. Intervenez sur tous les éléments de l’écosystème
  4. Quantifiez les objectifs entrepreneuriaux et déterminez une date de fin 
  5. Faites du développement de l’entrepreneuriat la priorité ultime
  6. Créez une équipe tactique d’intervention
  7. Enfin, faire preuve d’entrepreneuriat, en passant à l’action, en expérimentant, avant de déployer votre stratégie 

1- Miser sur l’entrepreneuriat de croissance

Le travail autonome représente le pain et le beurre de plusieurs organismes d’accompagnement. Or, on ne doit pas mélanger une simple mesure d’employabilité et une stratégie de développement économique axée sur la croissance.

Je vous rassure tout de suite. Les deux sont importants, mais ne sont en aucun point semblables en terme d’impacts. En général, le travailleur autonome vit des revenus générés des contrats qu’il remporte, tandis que l’entreprise à fort potentiel de croissance est orientée vers l’exportation et l’innovation et capable de générer au moins 1, 5 millions en vente et 10 emplois en moins de trois ans. L’innovation n’est pas seulement technologique. Elle doit être vue dans un sens large. 

Même chose pour l’accompagnement des startups. Encore ici, je crois au développement des startups. Mais les ressources en développement économique étant de plus en plus rares, les intervenants n’ont d’autres choix que d’investir prioritairement dans les actions qui vont générer le plus d’impact. De plus en plus d’études démontrent que soutenir les entreprises dans leur croissance, génère davantage de retombées économiques, à court et à moyen terme que toutes autres stratégies de développement économique basées sur la création, l’attraction ou la rétention d’entreprises.

Des études récentes confirment que les sociétés qui prennent de l’expansion sont 2,3 fois plus productives, génèrent 19 fois plus de revenus, et créent 6,5 fois plus d’emplois que les sociétés ayant une croissance modérée.

2- Concentrer vos efforts géographiquement

Que ce soit dans des régions très spécifiques, des villes, des zones ou même des édifices, l’entrepreneuriat tend à se concentrer géographiquement.  Les efforts des acteurs doivent se concentrer dans ces zones névralgiques, parce qu’elles attireront les talents, les idées, des capitaux et des marchés.  De plus, cette concentration crée un effet d’entraînement et d’imitation qui induira toute la communauté. Grâce au leadership de plus en plus d’entrepreneurs, l’écosystème entrepreneurial s’alimentera peu à peu par lui-même, jusqu’à devenir autosuffisant.  Les succès des entrepreneurs et leur  implication dans la communauté d’affaires stimuleront le succès des autres entrepreneurs, qui à leur tour, grâce à leurs implications, alimentent le succès des suivants. 

Il faut rechercher activement ces zones névralgiques, peu importe le secteur d’activité, où on retrouve une concentration d’entrepreneurs qui partagent un secteur d’activité similaire ou la même grappe économique. 

La création de zones d’innovation constitue aussi une excellente façon de concentrer vos efforts selon vos spécialisations. 

Kendall Square Source: Goody Clancy & Associates, Inc.

En examinant de plus près votre territoire, vous découvrirez peut-être un petit trésor, une zone à forte densité comme le Kendall Square à Boston où l’on a répertorié 163 démarrages d’entreprises par mile carré, soit quatre fois plus qu’à Silicon Valley. 

3- Intervenez sur tous les éléments de l’écosystème 

Le dynamisme entrepreneurial est étroitement relié aux trois principales dimensions de l’entrepreneuriat; 1- développer un écosystème fertile, 2-  financer l’entrepreneuriat, de la phase de la pré-commercialisation à la phase d’expansion, et, 3- faire la promotion de la culture entrepreneuriale. 

Il existe plusieurs modèles d’écosystème, comme par celui développé par le Global Entrepreneurship monitor, le World Economic forum et l’OCDE, qui est composé de quatre éléments:

1- Un environnement fluide et protecteur

  • Protection intellectuelle
  • Facilité de faire des affaires
  • Indépendance juridique
  • Peu de corruption

2- La qualité de l’éducation

  • Qualité du système d’éducation et de formation
  • Qualité des écoles de gestion

3- Impacts fiscaux et réglementaires

4- Les passerelles de collaboration

  • Les grappes
  • Les collaborations milieu universités
  • Les obstacles administratifs
  • Le temps requis pour se lancer en affaires
  • Les coûts de démarrage

Proposé par Daniel Isenberg, le modèle de Babson est cependant plus complet. Il permet d’intervenir dans six domaines et 12 dimensions (voir le graphique suivant):

Les leaders de la communauté doivent donc intervenir de manière holistique, c’est- à- dire sur l’ensemble de l’écosystème jusqu’à ce que l’entrepreneuriat puisse s’alimenter par lui-même.

4- Quantifier les objectifs et déterminer une date butoir

Les leaders locaux doivent établir de manière concertée, en fonction du diagnostic de l’écosystème et des priorités, un ensemble d’objectifs quantifiables et mesurables qui amènera l’entrepreneuriat jusqu’à son point d’inflexion .  À partir de ce point, le phénomène entrepreneurial s’accélère par lui-même, s’autoalimente.

Ceux qui connaissent le succès et amènent la richesse, s’impliquent dans la communauté entrepreneuriale et entraînent les autres parties prenantes (anges, spécialistes, consultants, fournisseurs, clients , etc.) de l’écosystème. L’entrepreneuriat est avant tout un phénomène de proximité. L’exposition répétée à des modèles de succès  a un effet d’entrainement sur le désir de se lancer en affaires (Higgins 1987). De plus, les entrepreneurs aiment les autres entrepreneurs. Ils aiment aussi entreprendre. Ils investissent dans d’autres entreprises, créent des fonds d’investissement, deviennent des mentors ou des conseillers, donnent des entrevues, des conférences, des membres de conseils d’administration. Leur implication incite de plus en plus d’entrepreneurs à faire de même. 

Voici quelques éléments de mesure qu’une communauté entrepreneuriale peut suivre:

  • Le taux de survie et la durée de vie moyenne d’une entreprise 
  • Le pourcentage de propriétaires en opération depuis plus de 5 ans 
  • La proportion de la population étant actuellement propriétaires d’une entreprise 
  • La proportion de la population ayant déjà créé ou repris une entreprise 
  • La proportion de la population actuellement en processus de création ou de reprise d’une entreprise 
  • Les freins à la création d’entreprises 
  • Le temps nécessaire à la création d’une entreprise 
  • La proportion de la population ayant l’intention de créer une entreprise et l’horizon de création 
  • La proportion des entrepreneurs qui créent des entreprises à répétition 
  • La perception de la population à l’égard de la richesse, du succès, de la carrière
  • d’entrepreneurs, du rôle des entrepreneurs 
  • Le niveau d’ambition des entrepreneurs, leurs perspectives de croissance 
  • Les facteurs pouvant accélérer la réussite en affaires 
  • Les causes de fermeture d’entreprises
  • Le taux d’entrepreneuriat par opportunité versus nécessité
  • etc.

5- Faire du développement de l’entrepreneuriat de croissance la priorité de tous 

Parce que dans la vie, rien n’est gratuit, si vous désirez vraiment créer une communauté plus entrepreneuriale, l’argent  demeure le nerf de la guerre. Dans les priorités d’une communauté, l’entrepreneuriat de croissance devrait arriver juste derrière la santé et l’éducation. Une ville devrait d’ailleurs consacrer de ¼  à ½ % de son budget annuel afin de faire vivre sa propre révolution entrepreneuriale. 

La mise en place d’une gouvernance de l’écosystème constitue aussi une bonne pratique. Cette gouvernance travaille sur les manques, les défis et la synergie entre les intervenants. Renforcer la gouvernance facilite l’exécution et le développement de la capacités professionnelles.

Lorsque les acteurs économiques d’une ville contribuent à la croissance des entreprises, les banques locales bénéficieront de meilleurs dossiers, la ville bénéficiera de la création d’un plus grand nombre d’emplois et les entreprises locales auront un meilleur accès aux talents et aux sources d’approvisionnement locales. Bien sûr, les entrepreneurs et leurs investisseurs en profitent également.

6- Créer une équipe tactique d’intervention

Ce ne sont pas les efforts, les argents et les organismes qui manquent pour soutenir les entrepreneurs. Mais, aucune n’a le mandat, la perspective et la compétence pour exécuter le plan qui mènera à la révolution entrepreneuriale sur le territoire. C’est pourquoi il importe d’inventer une nouvelle équipe ou de mandater une organisation actuelle qui prendra en charge cette tâche.

Les leaders de la communauté doivent créer une toute nouvelle équipe de choc qui fera vivre cette révolution. Cette équipe, qui devra être embauchée et formée pour ce travail, doit être construite pour être dissoute dès que le travail est terminé. De plus, elle devrait être sous la responsabilité par des leaders représentant l’ensemble des intérêts de la communauté dans ce projet très spécial. 

Cette équipe de choc doit être gérée par des experts, évaluée à ses résultats et dissoute après leur travail, pour 5 ans. Cette équipe de l’écosystème est petite, agile, collaborative et fomentatrice.

7- Enfin, faire preuve d’entrepreneuriat, en passant à l’action, en expérimentant, avant de déployer une stratégie. 

Lorsque l’incertitude est élevée, les entrepreneurs expérimentent à petite échelle les projets avant de les lancer de façon plus globale. La plupart des régions connaissent déjà  leur écosystème. Lancer des programmes pilotes afin d’apprendre des entrepreneurs constitue une bonne pratique.

Les leaders de la communauté peuvent faire preuve d’entrepreneurship, en partant des moyens de leur communauté, en investissant dans des initiatives qui renforcent l’écosystème, en investissant dans  ce qui aura le plus d’impact, et enfin, en créant des partenariats, tant localement qu’avec des organismes nationaux ou internationaux. 

Laisser un commentaire