La première raison est: «je n’ai pas une bonne idée»
Nous vivons dans un monde construit par les entrepreneurs. Des petites entreprises qui redonnent vie à un village, aux entreprises technologiques de classe mondiale qui changent le monde grâce à l’innovation, l’entrepreneuriat est un puissant vecteur de changement. La prospérité des nations dépend du travail des entrepreneurs. Tout comme notre niveau de vie.
Il y a une foule de conseils sur quoi faire, ou ne pas faire, pour devenir un entrepreneur. Lorsque nous googlons : « Comment démarrer une entreprise », Google nous renvoie 10 milliards de réponses. Tandis que l’intelligence artificielle ChatGPT nous propose 10 étapes à suivre, dont la première est : identifier une idée d’entreprise : trouver un besoin ou un marché qui n’est pas encore satisfait.
La plupart d’entre nous, avons rêvé de nous lancer en affaires. Pourquoi nous ne le faisons pas ? L’entrepreneuriat est un résultat naturel et souhaitable provenant de l’interaction humaine. Toutefois, il est systématiquement tué dans l’œuf, par les mêmes personnes qui en rêvent. Je vais passer en revue les mythes les plus tenaces de l’entrepreneuriat, car ils constituent de véritables éteignoirs.
Dans mes prochains blogues, j’explorerai les quatre obstacles plus courants auxquels les entrepreneurs sont confrontés lorsqu’ils se lancent dans un nouveau projet. Vous découvrirez les leçons que les entrepreneurs experts ont tirées de leur expérience en affaires.
Voici le premier mythe – il faut une très bonne idée ! J’aimerais entreprendre, mais je n’ai pas d’idée. Ce que les gens veulent dire par ceci, c’est qu’ils n’ont pas une idée brillante et nouvelle, qui va connaitre un énorme succès.
Toutefois, avant de nous lancer dans ce mythe, j’aimerais vous parler un peu de moi. Je suis un entrepreneur et un développeur économique. J’ai été longtemps à la recherche du Saint Graal, de la formule qui fait le succès des entrepreneurs. Je dévorais les best-sellers, écoutais des conférenciers de renom, lisais avec frénésie des tonnes d’articles, tout cela pour tenter de découvrir cette fameuse sauce secrète. Vous savez les fameux conseils du genre, « les entrepreneurs à succès sont comme des Wayne Gretzky qui patinent là où la rondelle va être, pas où elle est ». Moi qui ne joue même pas au Hockey!
Je pensais aux dizaines d’articles que j’avais écrits. Je revoyais les histoires d’entrepreneurs experts que j’avais eu la chance d’interviewer. Ou encore aux nombreuses formations très pointues que j’avais suivies. Mais rien! Pas l’ombre d’une formule magique.
Puis, un article paru en 2011 dans le magazine américain Inc. a tout changé. En lisant l’article « How Great Entrepreneurs Think », j’ai eu un déclic. J’ai vu tout à coup les points communs entre les entrepreneurs experts que j’avais rencontrés. J’ai compris comment ils pensent et agissent. J’ai aussi saisi! Ce que j’avais appris à l’université n’était pas applicable sur le terrain de l’entrepreneuriat.
Cet article dans le magazine Inc. parlait d’effectuation, de Saras Sarasvathy et des cinq principes. Saras Sarasvathy, avait repéré ces principes en interviewant des entrepreneurs chevronnés. Ou plutôt, en leur donnant à résoudre un cas classique d’entrepreneuriat. On vient d’ailleurs de lui décerner le prestigieux 2022 Global Award for Entrepreneurship Research, pour ses ses recherches. L’effectuation constitue un important mouvement à contre-courant qui rend le processus entrepreneurial beaucoup moins risqué et accessible. L’effectuation le démocratise!

Saras Sarasvathy est partie d’une question toute simple, comme toutes les grandes questions de recherche : comment les entrepreneurs font-ils pour créer de nouveaux produits, de nouvelles entreprises et de nouveaux marchés ? La réponse traditionnelle, « avoir un éclair de génie, puis la mettre en œuvre à travers un bon plan d’affaires » ne la satisfait pas. Elle va donc observer des entrepreneurs chevronnés. Voir ce qu’ils font vraiment pour comprendre comment ils raisonnent relativement aux problèmes usuels en entrepreneuriat: comment démarre-t-on? Comment trouve-t-on une idée, un produit ou un client, comment prend-on une décision, etc. La beauté d’une entreprise c’est que vous n’avez pas le choix de trouver des solutions aux problèmes que vous rencontrez. C’est la rencontre de ces entrepreneurs qui lui a permis de mettre la lumière sur les cinq principes.
Voici un bref résumé des cinq principes de l’effectuation. Le premier principe est « partez avec ce que vous avez sous la main ». Vos ressources sont de trois niveaux: qui vous êtes, ce que vous savez et qui vous connaissez – toutes des choses déjà sous votre contrôle. Sur la base de vos moyens, il y a des foules de choses que vous pouvez faire, même avec des moyens limités.
Ce qui vous amène au deuxième principe « raisonnez en perte acceptable ». Ainsi, en décidant quoi faire avec vos moyens du bord, des choses déjà sous votre contrôle, vous n’investissez pas plus que ce que vous pouvez vous permettre de perdre. Lorsque cette perte est contrôlée, l’action devient nécessairement moins risquée. Ce qui enlève une barrière importante. En vous mettant en action, vous arrivez au troisième principe, celui de « la courtepointe inventive ». Vous faites monter des gens à bord de votre projet. En fait avec n’importe qui veut travailler avec vous.
Comme vous pouvez l’imaginer, si vous utilisez ce processus pour construire votre entreprise, vous allez avoir beaucoup de surprises. Cela vous amène au quatrième principe, « tirez parti des surprises ». Alors quand la vie vous lance des citrons, faites-en de la limonade. Vous transformez les surprises en opportunités. Ainsi, de bonnes et de mauvaises choses vont se produire. Mais vous apprenez à les transformer, à construire votre entreprise, en faisant travailler les surprises pour vous.
Et lorsque vous commencez à construire votre entreprise, l’une des leçons les plus importantes que vous allez apprendre est le cinquième principe, « vous êtes le maître de votre destin ». Vous avez la possibilité de créer le monde dont vous voulez. L’avenir ne fonctionne pas sur pilotage automatique. C’est ce que nous faisons vous et moi et surtout ce que nous faisons ensemble qui forge l’avenir. L’avenir est façonné, influencé, transformé, co-créé par des parties prenantes qui décident d’embarquer dans un projet. Cela n’a rien à voir avec l’idée de prédire où s’en va la rondelle de hockey. Une entreprise va nulle part si ses actions ne vont pas de pair avec la faculté de coopérer avec beaucoup d’autres.
Cette semaine, nous allons commencer par le premier mythe : il faut une idée brillante pour vous lancer en affaire. Nous verrons comment le premier principe de l’effectuation: « Partez avec ce que vous avez sous la main », vient vous aider à résoudre ce problème.
Qu’est-ce qui a fait le succès de Netflix, alors que bien d’autres avaient tenté leur chance? Qui se rappelle de Quibi ? « Personne ne savait si cela aller marcher », déclare Marc Randolph, fondateur de Netflix et de six autres startups. Il faut faire quelque chose, construire, vendre, fabriquer… pour juger si une idée en vaut la peine.
« Avec Netflix, je travaillais en même temps sur sept startups. Si vous me demandiez le premier jour, pour chacune d’elles, laquelle deviendra un grand succès, et laquelle deviendra un échec, je n’aurais pu le dire. Et personne ne pouvant le dire. Personne ne peut dire si une idée est la bonne avant de l’avoir essayé. Vous en apprenez plus en une heure en le faisant, qu’en trois mois en y pensant ».
Selon la croyance populaire, vous devriez commencer avec une brillante idée, validée par une étude de marché basée sur des données probantes. Puis vous construisez une bonne équipe et partez à la recherche de financement à l’aide d’un bon plan d’affaires.
Mais les entrepreneurs font les choses différemment. Au début de leur processus entrepreneurial, les entrepreneurs font peu confiance aux outils prévisionnels, comme les budgets ou les études de marché. Ils se fient davantage à leurs propres moyens pour chercher, trier et retenir l’information dont ils ont besoin pour prendre une décision. Cela ne veut pas dire qu’ils n’utilisent jamais des outils de prévision. S’ils peuvent obtenir rapidement l’information dont ils ont besoin, ils les utiliseront. Ils font avec ce qu’ils ont. Ils partent la plupart des fois de leurs moyens et non d’une bonne idée.
Le milliardaire Albert Frère m’avait déjà dit que: « les arbres ne montent pas au ciel indéfiniment ». Ils sont touchés à un moment ou un autre par les maladies, les accidents, la compétition ou la vieillesse. Tout comme les entreprises.
Pourquoi je vous mentionne cela ? On en a beaucoup entendu parler de Chez Cora dans les dernières années. Pour une sale histoire d’extorsion. Je vais vous parler de Cora Tsouflidou, la reine du petit déjeuner au Québec. L’aventure entrepreneuriale de Cora Tsouflidou est extraordinaire. C’est un cas manifeste d’effectuation.

Cora Tsouflidou
En 1987, sans travail depuis un an, elle se voyait refuser par le magazine La vie en rose un poste de journaliste à la pige; par Le Château Champlain, celui d’hôtesse à l’accueil; par Dalmy’s Canada, celui de gérante de boutique. À l’abandon depuis trois ans, le casse-croûte de 29 places Miss Côte-Vertu, pendant ce temps, était à vendre. « La Providence nous laisse toujours faire nos premiers pas », répétera Cora Tsouflidou.
Après un divorce difficile, la maison familiale dut être vendue. Le produit servir à financer l’achat du commerce. Parce qu’elle avait des enfants à s’occuper, il n’était pas question de travailler les soirs. Exit les cheveux qui sentent la friture. Bienvenu aux déjeuners.
Chez Cora s’est doucement imposée à Cora Tsouflidou. Un matin de mai 1987, faisant la file au bureau d’enregistrement pour la raison sociale de son restaurant, Cora s’interroge sur le nom à donner au commerce. « Les petits matins de Rose », « Chez Rose », « Déjeuners Chez Rose », « Rose-Cocos », « Rose-Omelettes ». Le préposé au registre lui dit que « tous les noms en Rose sont déjà pris. C’est quoi votre nom ? » Cora! « Chez Cora : jamais utilisé », déclare le préposé. Cora, ce sera!
À l’enseigne de « Chez Cora », l’imagination fait recette. La signature des plats va prendre forme au rythme des clients. La pratique du plat dédié au client a un impact énorme sur les premiers clients de l’établissement. La confection de la carte débuta par un « BONJOUR miroir ». Puis vint le Bobby Button, en l’honneur d’un client au goût particulier, travaillant dans le secteur du vêtement. Puis les nouveaux plats se dessinent, le Morning Club, le Jo Tabah, le Rosemary’s Sunday, le Reine-Elizabeth, le Seven of July, le Sarrasin Surprise, le Déjeuner Surprise, le Réveil Samira, le Dix Étages, le Eggs Maurice, le Citrus Ballerina, l’Avril ‘89, le Sainte-Adèle, le Récolte ’90, le Délice de Vimont et le Midi Dolorès.
Aujourd’hui, Chez Cora, c’est 125 restaurants partout au Canada. Le déjeuner Cora est même servi dans le ciel! Le transporteur canadien WestJet offre le déjeuner Cora dans sa cabine Privilège à bord de ses vols matinaux.
Le modèle d’affaires de Chez Cora s’est raffiné pour devenir, avec le temps, une très grande idée. Finalement, Cora Tsouflidou a créé un nouveau concept, celui du restaurant déjeuners, juste en faisant ce qu’il lui était possible de faire et en le poussant plus loin. En aucun cas, elle n’aurait pu imaginer un tel dénouement. La démarche des entrepreneurs chevronnés qui nous ont tant épatés avec leur idée n’a rien d’un « big bang » créatif ou d’un moment de pur génie. Mais plutôt une transformation continue du modèle d’affaires à travers un processus entrepreneurial.
J’aimerais vous raconter une autre histoire, cette fois de Bangalore en Inde. Kiran Mazumdar-Shaw est une entrepreneure indienne très réputée et une figure emblématique du secteur de la biotechnologie en Inde. Née en 1952 à Bangalore, elle a commencé sa carrière d’entrepreneur en tant que biotechnologue dans un laboratoire de fermentation à Bangalore. Après avoir travaillé pour des entreprises en Irlande et en Australie, elle a fondé en 1978, Biocon India, une entreprise de biotechnologie basée à Bangalore.
Au fil des ans, Biocon est devenu un leader mondial dans la fabrication de produits biopharmaceutiques, et a joué un rôle clé dans le développement de cette filière.
Kiran Muzumdar Shaw avait un rêve, celui de devenir une maître brasseur et suivre les traces de son père. Elle a suivi avec brio une formation à cet effet en Australie. Mais le monde brassicole en Inde est un « boys Club ». Étant une femme, elle ne pouvait y trouver un emploi. Elle s’est sentie un peu déprimée par la situation, et quitta Bangalore pour aller chercher du travail en Angleterre et en Écosse.

Kiran Muzumdar Shaw
Un ami introduit Kiran à Leslie Auchincloss, le fondateur de Biocon Irlande qui produisait des enzymes pour la fabrication de la bière, le conditionnement alimentaire et le textile. Il lui dit: « je cherche un manufacturier en Asie. Je ne connais personne. Ça serait vraiment bien si tu fabriquais des produits pharmaceutiques pour moi en Inde ». Kiran le regarde droit dans les yeux et lui dit: « Je ne suis pas chimiste. Je ne suis pas entrepreneure. Je n’ai jamais voulu le devenir ». Mais en discutant avec l’entrepreneur, elle découvre qu’elle en connait plus qu’elle pense à propos des levures. Quelqu’un qui sait fabriquer de la bière sait aussi comment faire des enzymes.
Kiran donne son accord. Elle aidera l’entreprise à fabriquer les enzymes en Inde, mais pas plus que six mois, car elle désire poursuivre son rêve de maître brasseur.
Après quelques mois de stage à Biocon Irlande, Kiran retourne en Inde, loue un garage et démarre l’entreprise Biocon Inde avec un capital de 1 000$, un approvisionnement en électricité instable et deux employés, dont un mécanicien à la retraite. Elle débuta l’entreprise en faisant l’extraction d’enzymes afin de clarifier la bière à partir de papaye et de poissons-chats. Elle s’est lancée dans l’aventure entrepreneuriale grâce à la personnalité, ses compétences et surtout qui elle connaissait. La sérendipité, c’est-à-dire de faire par hasard une découverte inattendue qui s’avère ensuite fructueuse, a fait son œuvre.
Le monde des affaires est ainsi divisé : les choses sur lesquelles l’entrepreneur peut exercer un contrôle et celles qu’il ne contrôle pas. Nous avons tendance à trop nous préoccuper des choses qu’on ne contrôle pas.
Travaillez toujours avec des choses qui sont déjà sous votre contrôle. Chacun d’entre vous possède des moyens uniques. Ils peuvent être le fondement de quelque chose de vraiment différent.
Pourquoi commencer avec les moyens que vous avez ? Pour deux raisons. Premièrement, vous pouvez agir immédiatement. Vous n’avez pas besoin d’attendre que quelqu’un vous donne 10 millions de dollars pour commencer. Ou encore, de créer un nouveau produit qui vous prendra deux ans à développer. Ce que vous possédez déjà vous est accessible dès maintenant. Deuxièmement, ce que vous possédez est unique à chacun de vous. C’est ce qui vous donne un avantage compétitif. Même si deux entrepreneurs ont exactement la même idée, les moyens différents créeront deux entreprises différentes. La différenciation est un atout majeur en entrepreneuriat.
Les moyens que vous possédez sont toujours plus importants que vous le croyez. Chaque être humain possède trois paniers de moyens: 1. Qui suis-je ? Qu’est-ce qui me motive ? Que je trouve intéressant ? Qui est non négociable pour moi? Comment j’exprime mon identité ? 2. Qu’est-ce que je sais ? Quelles sont mes connaissances tacites ? Quelles sont les informations que je possède ? Quelles sont mes expériences passées ? 3. Qui je connais ? Qui sont les personnes et les experts que je connais qui pourraient m’aider à co-créer mon entreprise ?
Quand on demande aux gens de regarder ce qu’ils ont, naturellement, ils disent qu’ils n’ont rien. Toutefois, lorsqu’on les amène à explorer davantage leurs moyens, ils découvrent un paquet de choses avec lesquelles ils peuvent travailler tout de suite. En vous concentrant sur vos moyens, vous agissez sur quoi vous avez du contrôle. Ce sont vos actifs intangibles pour créer.
Grâce à votre imagination, vous pouvez aller chercher des moyens, que vous n’avez pas encore. En fait, vous pouvez regarder autour de vous, n’importe quoi, tout ce que vous pouvez voir, et vous poser la question « Qu’est-ce qui ne constitue pas une ressource » ? Presque tout peut devenir une ressource.
Se centrer sur vos moyens ou se centrer sur vos objectifs ?
Lorsque vous tentez d’atteindre un objectif et vous examinez vos moyens, vous rechercher des choses que vous n’avez pas encore pour atteindre ce but. En effectuation, on inverse cette logique. Vous garder vos objectifs ouverts parce que vous savez qu’ils peuvent évoluer en cours de route. Et vous restez proche de vos moyens. Vous vous dire très bien, ces moyens sont délimités par vos contraintes. J’ai tant d’argent pour ce projet, j’ai tant de temps à accorder, j’ai mes préférences… En fonction de ce que vous pouvez faire, lorsque vous êtes centré sur vos moyens, vous préférez les opportunités qui les mettent en valeur, tout en étant flexibles sur vos objectifs. Cette façon de voir mise sur une tout autre chose que vous n’avez pas encore, du genre « je dois avoir » tant d’argent, tel contact ou tel élément avant de lancer mon projet. Chercher à réunir que vous n’avez pas peut devenir un vrai éteignoir et siphonner votre énergie. Vous pouvez devenir un entrepreneur qui réussit simplement en utilisant ce que vous avez.
Vos trois paniers de ressources
Partir avec ses trois paniers de ressources, c’est comme cuisiner un dîner pour des amis. Vous pouvez composer le menu, trouver des recettes, aller chercher à l’épicerie tout ce dont vous avez besoin, puis cuisiner le repas. On est ici dans une démarche planifiée, avec un objectif précis à atteindre et les solutions pour y parvenir. C’est la démarche causale.
L’autre façon consiste à ouvrir le frigo et le garde-manger, et composer le menu avec ce que vous avez sous la main, quitte à demander l’aide de vos amis pour trouver ce qui vous manque. C’est la démarche effectuelle. Les entrepreneurs regardent les ressources dont ils disposent et agissent en fonction de ces ressources. À partir de ces trois ressources, ils sont capables d’en obtenir d’autres, comme de l’argent, des moyens de production, des partenaires, des conseils, etc.
La première ressource : « qui êtes-vous ? »
Trois entrepreneurs, Jean-Philippe Bergeron, Vicky Jodry et Simon-Pier Ouellet, ont fondé OLA Bamboo pour offrir des solutions durables et écologiques aux objets de la vie quotidienne. Ils se sont lancés dans cette aventure après avoir cherché une brosse à dents biodégradable, mais déçus par les options disponibles sur le marché. En moins de trois ans, ils ont quitté leurs emplois respectifs dans la radio, l’enseignement et la télévision pour se consacrer pleinement à leur entreprise qui propose une variété de produits écologiques allant de la brosse à dents en bambou à la soie dentaire écologique, en passant par des pailles, des ustensiles et même des tampons démaquillants réutilisables. L’entrepreneuriat social est donc au cœur de cette histoire en mettant en avant l’importance de la transition vers une économie plus durable. Ils ont créé une entreprise en accord avec leurs valeurs.
La personnalité, les valeurs et l’intuition de l’entrepreneur vont l’orienter dans telle direction plutôt qu’une autre, ou le rendre sensible à tel problème et pas un autre.
Pensez à vos valeurs fondamentales. Elles sont importantes parce qu’elles incarnent ce que vous défendez et vous vous y tenez même si elles devenaient un désavantage concurrentiel dans certaines circonstances.
Pour aller plus loin pour explorer vos valeurs, je vous invite à lire l’article « Building Your Company’s Vision ». https://hbr.org/1996/09/building-your-companys-vision
La deuxième ressource: « qu’est-ce que vous connaissez »:
Les types de connaissances les plus importants pour un entrepreneur expert peuvent varier en fonction de nombreux facteurs, tels que le secteur d’activité, la phase de développement de l’entreprise, les objectifs à long terme, etc. Cependant, on peut dire que les connaissances les plus significatives sont d’après moi les suivantes, les connaissances tacites et les connaissances antérieures.
L’effectuation est une connaissance tacite, car elle repose sur une compréhension intuitive et expérientielle des capacités et des ressources disponibles, ainsi que sur des compétences en matière de négociation, de collaboration et de communication. Cela peut ne pas être facilement transmis ou enseigné de manière formelle. Mais cela peut être développé à travers des années d’expérience en tant qu’entrepreneur ou en travaillant avec d’autres entrepreneurs. Cette connaissance tacite ne peut être acquise qu’à travers l’apprentissage par l’action (learning by doing) ou par observation directe.
Une connaissance tacite pour un entrepreneur expert pourrait être la capacité à développer et à entretenir des relations avec les partenaires commerciaux clés, les investisseurs et les clients. Un autre exemple pourrait être la compréhension intuitive des motivations et des comportements des clients dans un certain secteur. Par exemple, un entrepreneur expert dans le secteur de la mode pourrait avoir une connaissance tacite des tendances actuelles et futures, des attentes des consommateurs en matière de qualité et de style, ainsi que de meilleures pratiques pour la production et la vente de vêtements. Cette connaissance peut être acquise à travers de nombreuses années d’expérience dans le secteur et ne peut pas être facilement transmise ou expliquée de manière formelle.
Une connaissance tacite découlant d’une expérience personnelle dans un domaine particulier peut permettre à l’entrepreneur de voir des opportunités qui ne sont pas évidentes pour les autres. C’est le cas avec l’histoire de Kiran Muzumdar Shaw de Biocon.
La connaissance antérieure contribue aussi à l’expertise entrepreneuriale. La connaissance antérieure fait référence à toutes les informations, croyances, expériences et connaissances acquises par une personne avant qu’elle se lance dans un nouveau projet. Elle peut influencer les opinions, les comportements et les décisions d’une personne. Ce stock de connaissances conditionne la façon dont l’entrepreneur perçoit l’environnement et agit. Lorsque l’entrepreneur fait l’inventaire de ses moyens et analyse ses options, il se sert de ses connaissances antérieures pour trouver les fils conducteurs qui le mèneront, sans le savoir, à de nouvelles idées ou de nouvelles opportunités.
Ed Pauls, l’inventeur de NordicTrack est un parfait exemple de l’importance de la connaissance antérieure dans la découverte d’opportunités d’affaires. Ingénieur mécanique, et grand passionné du ski de fond, Ed était frustré de ne pas pouvoir skier quand les conditions météorologiques ne lui permettaient pas. De sa frustration, il a identifié une opportunité, et a utilisé ses connaissances et ses habiletés pour développer une machine pour pratiquer le ski de fond à l’intérieur.

NordicTrack
Pratiquant de ski de fond de haut niveau, j’ai eu aussi l’idée d’une machine d’entrainement, bien avant Ed Pauls. Toutefois, n’ayant pas de connaissances techniques ni de la persévérance pour mener à bien le projet, l’idée a été abandonnée par le seul effet du temps.
En résumé, la connaissance antérieure est plus large et inclut toutes les connaissances acquises avant une situation donnée, tandis que la connaissance tacite fait référence à une forme particulière de connaissances acquises à travers l’expérience et la pratique. Les deux types de connaissances peuvent être utiles pour découvrir une opportunité d’affaires, et un entrepreneur peut tirer parti de ces deux types de connaissances pour identifier les opportunités les plus prometteuses. Les deux font partie de l’inventaire des moyens dont dispose un entrepreneur.
La troisième ressource : « qui connaissez-vous ».
C’est d’après moi la ressource la plus importante que vous possédez, car elle procure de nombreux avantages, tels que :
- L’accès à des informations et des connaissances spécialisées complémentaires aux vôtres.
- Des opportunités de partenariat avec d’autres entrepreneurs, des fournisseurs, des clients potentiels, des investisseurs et d’autres parties prenantes.
- Le soutien et le mentorat afin de surmonter les défis que vous rencontrez.
- Possibilité de lever des fonds.
- À cause de la théorie des six degrés de séparation, entre vous et n’importe quelle personne sur la terre. En fin de compte les relations de vos relations.
L’entrepreneur solitaire n’existe pas. Le succès d’une entreprise repose sur ses relations avec d’autres. Sa réussite, c’est en bonne partie son réseau. En fin de compte, entreprendre est un processus social. Sans adhésion sociale, le projet entrepreneurial se retrouve dans un cul-de-sac. Il n’ira nulle part. Pour vous aider à exploiter pleinement le potentiel de votre réseau social, pensez à vos liens faibles. C’est-à-dire, à ces personnes aux frontières de votre réseau social, de simples connaissances, qui peuvent vous apporter beaucoup plus que vos réseaux à liens forts tels les membres de votre famille et vos amis proches. Les réseaux à liens faibles peuvent vous apporter des idées nouvelles, des connaissances et de nouveaux contacts. Voir les livres de Mark Granovetter pour en apprendre plus sur l’importance des liens faibles.
En conclusion
Le processus entrepreneurial commence rarement par une grande idée ou un exercice de vision. Rares sont les entrepreneurs visionnaires au début de leur parcours. Par exemple, Mark Zuckerberg, créateur de Facebook, n’a pas imaginé créer un réseau mondial, mais il a commencé avec une idée banale qui s’est développée au fil du temps. De même, IKEA a commencé comme un magasin de journaux et de poissons séchés, mais est maintenant reconnu pour ses meubles.
Pour renforcer une idée, il est important d’aller vers les autres, tels que les partenaires potentiels et les futurs collaborateurs. La grande idée ou la vision est souvent le résultat d’un processus qui se forge par les interactions avec d’autres personnes.
De nombreuses personnes hésitent à parler de leur idée à d’autres par peur qu’elle soit volée. Cependant, il faut comprendre que l’idée elle-même n’a aucune valeur. Seule sa réalisation procure de la valeur. De plus, l’échec ne doit pas être craint, car c’est la capacité à rebondir qui fait progresser et stabiliser un projet.
Le processus entrepreneurial débute en se concentrant sur les moyens disponibles. Cela implique de se concentrer sur les ressources, les compétences et les relations actuelles, plutôt que sur des projections futures et incertaines. Faites l’inventaire de vos ressources et réfléchissez à ce qu’il est possible de faire avec. Ne perdez pas de temps à réfléchir à l’idée parfaite. Commencez simplement par des choses qui sont dans vos trois paniers de ressources et imaginez ce que vous pouvez faire avec, ce qui est faisable et qui valent la peine d’être fait. Puis sautez dans l’action maintenant. Comme dit le groupe rock Les Rita Mitsouko, « Ah, ah, faut que j’move ».
Le prochain blogue traitera du deuxième mythe – il faut beaucoup de ressources pour se lancer en affaires. Et il me manque des ressources.
Un petit devoir pour terminer
Commencez par tenir un journal de bord et notez-y les choses qui sont déjà sous votre contrôle. Faites l’inventaire de vos trois ressources. Pensez aux choses que vous aimez, vous aimez faire ou n’aimez pas faire. Pensez aux choses qui vous tiennent à cœur. Mais aussi à vos compétences, peut-être une formation, un savoir-faire, un passe-temps.
Pensez aux gens que vous connaissez, vos amis, les amis de vos amis, vos collègues, votre famille, vos camarades de classe.
Faites l’inventaire des types d’entreprises que vous aimeriez partir, et aux personnes dans votre réseau qui pourraient y contribuer, en tant que client, que fournisseurs, pour vous conseiller, ou pour vous donner un coup de main. Pensez à ces types d’entreprises en fonction de vos trois paniers de ressources. Notez toutes vos idées. Vous les qualifierez plus tard.
Allez visiter des entreprises que vous aimeriez lancer. Parlez à d’autres personnes et demandez-leur s’ils ont des idées. Parlez à des entrepreneurs autour de vous. Peut-être qu’il y a des événements où vous pourriez les rencontrer ?
Peu importe si vous êtes très occupé, la semaine, la fin de semaine, prenez un peu de temps pour faire cet inventaire. Vous en valez la peine! Consignez toutes vos idées. Vous serez surpris par le nombre de types d’entreprises où vous pourriez commencer à faire quelque chose.
