Les quatre défis majeurs pour les start-ups industrielles du Québec – Naviguer entre l’argent et la survie (1/4)

Par Jean Lepage

Faire de l’innovation de rupture et de la croissance à la vitesse grand V, les deux en même temps, n’est pas une mince tâche, surtout dans le secteur manufacturier. Si l’on devait les comparer à des voitures, «une start-up technologique serait une voiture de course, du moins à ses débuts», tandis qu’«une start-up industrielle ressemblerait davantage à un camion tout-terrain». 

Les start-ups industrielles, en raison de leur implication dans la fabrication de produits et parfois la propriété d’installations de production, sont confrontées à la fois aux défis inhérents aux jeunes pousses et aux difficultés propres au secteur industriel. 

Ce qui est réellement différent avec une start-up industrielle, c’est l’investissement requis pour fabriquer la première fois quelque chose, et après, le fabriquer en série. On peut facilement investir 50 000 $ pour fabriquer un moule et tout perdre pour une petite erreur de 2 mm. 

Voyons cela de plus près.

Le financement reste un enjeu majeur pour toute startup, qu’elle soit industrielle ou non. Cependant, les technologies numériques obtiennent plus facilement du financement que les projets industriels. Ces derniers, étant plus risqués, nécessitent des investissements substantiels pour l’achat d’équipements et offrent un délai de retour sur investissement plus long, généralement de sept à dix ans.  

Motoneige électrique Ekko de Taiga

À titre d’exemple, après six années de recherche et développement et d’essais, Taiga Motors, qui fabrique des motoneiges et des motomarines électriques, vient de franchir un important jalon, en générant ses premiers revenus. Malgré une hausse de ses ventes, Taiga perd encore de l’argent. La startup devra augmenter sa production bien au-delà de sa capacité actuelle pour atteindre une marge bénéficiaire brute positive. 

Un obstacle d’incompréhension 

C’est pourquoi les fonds de capital de risque manifestent une réelle prudence… ce qui a des répercussions sur certaines start-ups qui ne réussissent pas à compléter leur financement. Au Québec, les TIC dominent pour le nombre de transactions, suivi par le secteur des sciences de la vie et des CleanTech.

La situation est tout autre avec le capital de développement où le secteur industriel et manufacturier québécois continue de dominer le nombre de transactions avec 27% des transactions. Ce qui signifie que les bailleurs de fonds préfèrent investir dans des entreprises industrielles qui ont déjà fait leurs preuves. On préfère faire des affaires avec des start-ups qui ont un chiffre d’affaires de plus d’un million de dollars, ou lorsqu’il y a un acteur industriel important assis à la table. D’autres start-ups industrielles ne réussissent à trouver les fonds, qu’une fois le carnet de précommandes bien garnit.   

En fait, personne ne souhaite investir dans une entreprise sans des perspectives de vente significatives ou sans un bon partenariat stratégique. 

Se passer des fonds ?

D’autres préfèrent éviter les fonds de capital de risque. Après avoir peiné à financer la mise en place de sa ligne pilote avec des investisseurs institutionnels, plusieurs start-ups industrielles visent une entrée en Bourse (via un IPO ou un SPAC). 

C’est le pari relevé de firmes comme Taiga Motors, mais aussi Lion Electric, Guru, Haivision, PyroGenesis ou Kebec Absorption. Malgré tout, ce fut un véritable défi pour plusieurs d’entre elles. Faire son entrée en bourse, ne garantit pas le succès.

Ces firmes auraient pu se tourner à nouveau vers le capital de risque, mais les négociations auraient été plus complexes et plus longues, pour des montants moins élevés. En Bourse, elles conservent un bloc d’actions plus élevées, il n’y a pas de convention d’actionnaires et les pressions du marché sont moins intenses par rapport aux demandes des firmes de capital de risque.

Toutefois, on constate que les start-ups industrielles québécoises ne se ruent pas vers la bourse pour financer leur projet, puisque les entrées en bourse sont plutôt rares.

Il y a une lueur à l’horizon. On constate que de plus en plus d’acteurs financiers s’intéressent aux start-ups industrielles, surtout en ce qui concerne les «greentech» et le «deeptech». 

Voir mon prochain article sur les défis des start-ups industrielles.

Laisser un commentaire