5 Cadres Innovants pour le Développement Durable des Entreprises

Par Jean Lepage

Le développement durable est un développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs. De plus en plus d’entreprises souhaitent s’inscrire dans une démarche sociale et écologique plus durable. Mais comment le faire? Il y a cinq cadres de développement durable innovants pour les entreprises.

Les formes traditionnelles de structures des entreprises sont de type extractif. Les entreprises sont conçues pour privilégier les marges et les dividendes déséquilibrent fortement l’humanité et le monde vivant.

Pour se défaire de ce modèle traditionnel, les entreprises doivent modifier leur dynamique pour qu’elles deviennent régénératrices et distributives.

L’entreprise régénérative est un modèle organisationnel centré sur le principe selon lequel chaque unité de production supplémentaire doit créer un impact positif net sur l’environnement. Ceci est souvent décrit comme allant « au-delà de la durabilité », de telle sorte que l’organisation non seulement « ne fait aucun mal », mais commence à « faire le bien » en régénérant l’environnement dans lequel elle opère.

Par exemple, si une entreprise qui fabrique des cahiers à partir de bois a besoin d’un arbre pour produire 100 cahiers, mais qu’elle plante et assure la survie de 4 arbres pour chaque arbre qu’elle achète, alors pour chaque cahier produit, il y a une contribution positive nette à l’environnement équivalente à 3% d’un arbre.

L’obtention de la certification (ISO 14 000, Ecocert…) constitue une excellente façon de commencer, car cela aide les entreprises à comprendre où elles en sont et ce qu’elles doivent faire pour devenir plus vertes et plus productives. Il y a aussi d’autres façons de le faire.

1. L’approche « The Natural Step»

L’approche The Natural Step prône la pensée systémique et intégrée, ce qui implique de considérer l’organisation ou la collectivité comme un système en interaction avec son environnement. Pour ce faire, l’approche énonce quatre principes de durabilité devant guider la réflexion: la réduction de la dépendance aux combustibles fossiles et aux matériaux extraits, l’élimination des substances nocives, la restauration des ressources naturelles et la satisfaction équitable et efficace des besoins humains.

L’étape naturelle utilise un processus de rétroprojection, qui consiste à envisager un avenir souhaité et à travailler à rebours pour créer une feuille de route pour y parvenir.

Le fabricant aérospatial Pratt & Whitney Canada (PWC) voulait explorer comment s’appuyer sur les initiatives de durabilité existantes, vers une approche proactive de la durabilité, pourrait aider à capturer des parts de marché supplémentaires et à stimuler l’innovation pour l’entreprise. Au début de 2011, Pratt & Whitney Canada s’est engagée avec The Natural Step Canada pour entreprendre un examen organisationnel, créer une vision et des objectifs pour l’organisation et élaborer une feuille de route pour le développement durable afin de guider leurs progrès vers la minimisation de leur impact environnemental tout en capturant de la valeur pour l’organisation.

2. L’économie circulaire

L’économie circulaire est un cadre qui vise à éliminer les déchets et la pollution, à maintenir les produits et les matériaux en service et à régénérer les systèmes naturels. Il s’inspire des cycles et des flux de la nature, où rien n’est gaspillé et tout se transforme. L’économie circulaire remet en question le modèle linéaire de production et de consommation, où les ressources sont extraites, utilisées et jetées. Au lieu de cela, il promeut la conception de produits et de services qui peuvent être réutilisés, réparés, remanufacturés ou recyclés, créant ainsi de la valeur et réduisant l’impact environnemental.

Un modèle commercial typique de l’économie circulaire est le « déchet vers X », dans lequel les déchets d’un système deviennent l’intrant d’un autre qui produit un résultat à valeur ajoutée (x). Par exemple, les déchets alimentaires des restaurants peuvent être donnés aux insectes, notamment aux vers et aux mouches, dans un environnement contrôlé pour les aider à croître et à se reproduire. Lorsqu’ils atteignent leur maturité, ils peuvent être récoltés et donnés aux animaux comme réserve alimentaire nutritive. Cela réduit simultanément les coûts financiers et environnementaux liés au traitement des déchets tout en créant un produit de plus grande valeur, en l’occurrence des protéines d’insectes, qui constitue une alternative aux méthodes conventionnelles d’alimentation du bétail à forte intensité de ressources.

Les modèles d’économie circulaire sont particulièrement adaptés aux fabricants de produits haut de gamme ou complexes – certains consommateurs recherchent de toute façon de plus en plus la longévité et la qualité, et les produits de plus grande valeur se prêtent bien à être conçus de manière à pouvoir être continuellement remis à neuf et les composantes recyclés, où les composantes peuvent être conçues en gardant à l’esprit la circularité de la fin de vie. Voir mon blogue à ce sujet.

3. Le mouvement «B Corp»

Le mouvement B Corp est un cadre qui certifie les entreprises qui répondent aux normes les plus élevées en matière de performance sociale et environnementale, de responsabilité et de transparence. Il s’agit d’un réseau mondial d’entreprises qui utilisent leur pouvoir comme une force pour le bien, créant un impact positif pour leurs parties prenantes et la planète. Le mouvement B Corp évalue les entreprises en fonction de cinq dimensions : la gouvernance, les travailleurs, les clients, la communauté et l’environnement. Il fournit également des outils et des ressources pour aider les entreprises à mesurer et à améliorer leurs performances et à collaborer avec d’autres B Corp.

B Local Québec est constitué en organisme sans but lucratif (OBNL), c’est le chapitre québécois du mouvement ; il vise à soutenir le leadership des B Corps Québécoises et accroître l’influence positive du mouvement et de ses valeurs dans la province.

4. L’économie du Beignet

L’économie du beignet est un cadre qui propose une nouvelle façon de penser le développement économique et le bien-être. Il est basé sur le concept d’un diagramme en forme de beignet qui montre les niveaux minimum et maximum des besoins humains et planétaires. L’anneau intérieur représente le fondement social, qui comprend les droits et les nécessités de base de l’homme, tel que la santé, l’éducation et la justice. L’anneau extérieur représente le plafond écologique, qui comprend les limites planétaires qui définissent un environnement sûr et stable, tel que le changement climatique, la biodiversité et l’eau. L’objectif est de rester dans le beignet, où tout le monde en a assez, mais pas trop, et où l’économie est au service des gens et de la planète.

Les objectifs fondés sur la science, liés aux modèles des limites planétaires, sont des cadres de plus en plus populaires et sont parfois considérés comme plus robustes et plus directement axés sur les objectifs environnementaux (alors que de nombreux autres cadres de durabilité considèrent la durabilité au sens large et incluent des composantes socio-économiques et culturelles).

J’aime les limites planétaires, car elles couvrent plus que faire une société carbone neutre. Je pense que nous oublions notre rôle dans la protection de la biodiversité, la conservation des flux de nitrates et de phosphates, l’utilisation de l’eau, la charge en aérosols, etc. Certes, le lien que la plupart des entreprises peuvent identifier avec ces facteurs est moins bien développé que l’empreinte carbone, et la réduction de l’empreinte carbone présente de nombreux avantages connexes si on le fait en tenant compte des autres domaines des limites planétaires.

5. Le « Deep Design»

Inspiré par l’auteure et théoricienne Marjorie Kelly, le Deep Design est l’étape ultime du développement durable innovant d’une entreprise. Les entreprises se concentrent sur la transformation en profondeur de leur configuration, c’est-à-dire son «ADN», afin qu’elles puissent devenir régénératrices et distributives au cœur de leurs opérations et ainsi contribuer à faire entrer l’humanité dans le Beignet.

Les dimensions constitutives sont au cœur de chaque entreprise et façonnent en profondeur ce qu’elle peut être et faire dans le monde: sa raison d’être, ses réseaux, sa gouvernance, sa propriété et ses finances.

Raison d’être

La raison d’être de l’entreprise est-elle un objectif financier étroit ou un objectif vivant plus grand que nous ? Votre raison d’être est la clé, bien sûr, mais il doit être soutenu par les quatre autres caractéristiques de la conception d’entreprise.

Ses réseaux

Qui sont vos clients, fournisseurs et alliés pour le changement ? Sont-ils conscients et alignés sur les valeurs et la raison d’être de votre entreprise, ou sont-ils pris dans une culture d’entreprise qui va à l’encontre ? Et comment pouvez-vous renverser les relations que vous entretenez avec eux?

Sa gouvernance 

Quels sont, par exemple, les paramètres utilisés pour évaluer les performances de votre entreprise et des employés ? Trop d’attention sur le suivi du chiffre d’affaires, des parts de marché et des marges bénéficiaires, par exemple, peuvent empêcher une action de transformation à plus long terme pour réduire les émissions de carbone et payer des salaires décents dans toute la chaîne d’approvisionnement.

Sa propriété

Qu’une entreprise soit détenue par ses employés, par une famille, par des investisseurs en capital de risque ou sur le marché boursier aura des conséquences considérables sur sa raison d’être.

Pourquoi? Parce que la façon dont une entreprise est détenue détermine profondément la réponse à la dernière question.

Ses finances

Les bailleurs de fonds cherchent-ils des rendements financiers élevés et des résultats rapides ou sont-ils déterminés à investir dans des avantages sociaux et écologiques avec un rendement financier équitable ? Comment mesurez-vous la performance financière de votre entreprise?

Pris ensemble, ces cinq traits de conception d’entreprise révèlent beaucoup de choses sur la raison pour laquelle certaines entreprises peuvent aider à amener l’humanité dans le beignet.

Conclusion

Des recherches montrent que plus de la moitié des entrepreneurs québécois (51,8%) priorisent l’environnement et les dimensions sociales dans leur entreprise avant la croissance et la profitabilité.

Ce phénomène ne touche pas seulement les entrepreneurs québécois. Il est maintenant planétaire. Les entrepreneurs du monde entier sont préoccupés par les enjeux sociaux, environnementaux et économiques et désirent contribuer à changer les choses. Comme il y a 555 000 entrepreneurs au Québec. Si la moitié d’entre eux passaient de l’intention à l’acte, le Québec connaîtrait un profond changement économique, social et environnemental. C’est à vous de jouer! Faites vous aussi partie de ce changement planétaire, pour le bien de tous.

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