Par Jean Lepage
Que feriez-vous si vous aviez un tsunami de 133 000 tablettes de chocolat sur les bras? C’est le casse-tête chocolaté qu’a dû résoudre Crystal Regehr Westergard, une entrepreneuse d’Alberta, qui s’est retrouvée submergée par une montagne de barres de chocolat Rum & Butter aussi invendues qu’indésirables. Imaginez un peu: assez de chocolat pour paver le chemin de Camrose à Calgary avec des douceurs, et probablement assez pour construire une petite maison tout en chocolat, Willy Wonka serait fier!
Crystal Regehr Westergard à Camrose, Alta., le 6 avril 2023. AMBER BRACKEN
La pandémie avait entraîné des retards de l’entreprise de production chargée de fabriquer les tablettes de Rum & Butter. Les livraisons étaient d’abord arrivées sporadiquement, puis d’un seul coup. L’autre problème était la date d’expiration des tablettes. Le Canada n’a pas de réglementation imposant des dates de péremption pour les barres chocolatées, mais les magasins d’alimentation en exigent une. Même s’il est possible de les consommer sans danger après la date de péremption indiquée sur les emballages, personne ne voudra les prendre à trois mois de la date limite.
Crystal, dans un élan de générosité et peut-être un peu de désespoir, envisageait de faire don de cette avalanche chocolatée à des organismes de bienfaisance. Mais voilà, le tic-tac de l’horloge biologique du chocolat s’accélérait, avec une date de péremption qui se rapprochait dangereusement. Notre héroïne se voyait déjà en train de prendre rendez-vous avec la décharge de Calgary, une perspective aussi amère que du chocolat à 90% de cacao.
Retournons un peu en arrière. Crystal n’est pas une novice dans l’art de ressusciter les confiseries d’antan. Avec son entreprise Canadian Candy Nostalgia, elle a déjà ramené à la vie la Cuban Lunch, une barre chocolatée arachnoïde (pleine d’arachides, pas d’araignées, heureusement) qui réchauffait les cœurs depuis avant la Seconde Guerre mondiale. Inspirée par le désir de remonter le moral de sa mère, elle plongea dans le monde merveilleux des affaires en rachetant la marque pour un coût modique de 250 $. Le résultat? Un retour triomphal sur le marché, à temps pour que sa mère puisse profiter une dernière fois de la succulente gâterie. Poursuivant sur sa lancée nostalgique, Crystal et son mari Bert se sont attaqués à la barre Rum & Butter, une relique des années 80 qui faisait croire aux enfants qu’ils jouaient les pirates sans prendre la mer et sans prendre de rhum. La recréation de cette barre fut un périple gustatif à travers différents chocolats et températures, un processus qui ressemblait plus à une expédition dans la jungle amazonienne qu’à de la pâtisserie.
Leur campagne de publicité fut un coup de maître, avec Berty Beaver offrant des barres de chocolat à un enfant frustré par la technologie moderne. Un succès? Absolument. Trop, même. Une pandémie plus tard, Crystal se retrouve avec une armée de barres Rum & Butter sur les bras, un dilemme plus collant qu’un caramel au soleil.
Les idées de distribution fusent, mais se heurtent toutes à des obstacles insurmontables. Les écoles, les équipes de hockey, les refuges… personne ne peut absorber une telle quantité de chocolat. C’est comme essayer de remplir une piscine avec une cuillère à café.
Finalement, grâce à un élan de solidarité médiatique et communautaire, les barres de chocolat trouvent leur chemin vers des estomacs accueillants, de courses à pied à des marchés touristiques, prouvant que même les défis les plus sucrés peuvent avoir une fin heureuse.
Comme quoi les surprises, bonnes ou mauvaises, feront toujours partie du paysage des d’entrepreneur. Les entrepreneurs accueillent celles-ci favorablement et en tirent parti. Savoir faire de la limonade alors que la vie vous envoie des citrons constitue le quatrième principe de l’effectuation.
Alors, que feriez-vous avec 133 000 barres de chocolat? Moi, je commencerais par vérifier la solidité de mon plancher… puis je transformerais cette surprise en opportunité.
