Par Jean Lepage
Comment les entrepreneurs experts raisonnent face aux problèmes classiques qu’ils rencontrent ? Comment on démarre, comment on trouve une idée, un produit ou un client, comment on prend une décision, etc.
Le manque d’idées
Le premier obstacle qui freine votre désir ardent d’entreprendre est, je n’ai pas une bonne idée. J’aimerais démarrer quelque chose mais je n’ai pas d’idée. Et ce que les gens entendent généralement par là, c’est qu’ils n’ont pas une idée brillante et nouvelle, qui va connaître un énorme succès.
Nous verrons comment le premier principe de l’effectuation: faire avec ce qu’on a, vient nous aider à résoudre ce problème.
Comment prédire un succès comme celui de Netflix, qui a connu un succès planétaire, alors que d’autres avaient tenté leur chance?
Mais «Personne ne le sait», déclare Marc Randolph, fondateur de Netflix. Il faut faire quelque chose, construire, vendre, fabriquer… pour juger si une idée en vaut la peine.
«Avec Netflix, je travaillais en même temps sur sept startups. Si vous me demandiez le premier jour, pour chacune d’elles, laquelle deviendra un grand succès, et laquelle connaitra un échec, je n’aurais pu le dire. Et personne d’autre ne pouvant le dire. Personne ne peut dire si une idée est la bonne avant de l’avoir essayé. Vous en apprenez plus en une heure en le faisant, qu’en trois mois en y pensant.
Selon la croyance populaire, vous devriez commencer avec une brillante idée, validée par une étude de marché solide, basée sur des données probantes. Puis vous construisez une bonne équipe et partez à la recherche d’argent à l’aide d’un bon plan d’affaires.
Mais les entrepreneurs font les choses différemment. Au début de leur processus entrepreneurial, les entrepreneurs font peu confiance aux outils prévisionnels, comme les budgets ou les études de marché. Ils se fient davantage à leurs propres moyens pour chercher, trier et retenir l’information dont ils ont besoin pour prendre une décision.
Cela ne veut pas dire qu’ils n’utilisent jamais des outils de prévision. S’ils peuvent obtenir rapidement l’information dont ils ont besoin, ils les utiliseront. Ils font avec ce qu’ils ont. Ils partent de leurs moyens et non d’une bonne idée.
Chez Cora
Pourquoi je vous parle de cela? Je vais vous parler de Cora Tsouflidou, la Reine du petit déjeuner au Québec. C’est une belle histoire d’entrepreneuriat.

En 1987, sans travail depuis un an, elle se voyait refuser par le magazine «La vie en rose», un poste de journaliste à la pige; par Le Château Champlain, celui d’hôtesse à l’accueil; par Dalmy’s Canada, celui de gérante de boutique. À l’abandon depuis trois ans, le casse-croûte de 29 places Miss Côte-Vertu, pendant ce temps, était à vendre. « La Providence nous laisse toujours faire nos premiers pas », répétera Cora Tsouflidou.
La maison familiale dut être vendue, et le produit de la vente servir à financer l’achat du commerce. Parce qu’elle avait des enfants à s’occuper, il n’était pas question de travailler les soirs. Exit la friture. Bienvenu aux déjeuners,
Chez Cora s’est doucement imposée à Cora Tsouflidou. Un matin de mai 1987, faisant la file au bureau d’enregistrement pour la raison sociale de son restaurant, Cora s’interroge sur le nom à donner au commerce. « Les petits matins de Rose », « Chez Rose », « Déjeuners Chez Rose », « Rose-Cocos », « Rose-Omelettes ». Le préposé au registre lui dit que « tous les noms en Rose sont déjà pris. C’est quoi votre nom?» Cora! « Chez Cora : jamais utilisé », déclare le préposé. Cora, ce sera!
À l’enseigne de «Chez Cora», l’imagination fait recette. La signature des plats va prendre forme au rythme des commandes. La pratique du plat-dédié-au-client a un impact énorme sur les premiers clients de l’établissement. La confection de la carte débuta par un « BONJOUR miroir ». Puis vint le Bobby Button, en l’honneur d’un client au goût particulier, travaillant dans le secteur du vêtement. Puis les nouveaux plats se dessinent, le Morning Club, le Jo Tabah, le Rosemary’s Sunday, le Reine-Elizabeth, le Seven of July, le Sarrasin Surprise, le Déjeuner Surprise, le Réveil Samira, le Dix Étages, le Eggs Maurice, le Citrus Ballerina, l’Avril ‘89, le Sainte-Adèle, le Récolte ’90, le Délice de Vimont et le Midi Dolorès.
Aujourd’hui, Chez Cora, c’est 125 restaurants partout au Canada. Le déjeuner Cora est même servi dans le ciel! Le transporteur canadien WestJet offre le déjeuner Cora dans sa cabine Privilège à bord de ses vols matinaux.
La leçon de cette histoire, le modèle d’affaires s’est raffiné pour devenir, avec le temps, une très grande idée. Finalement, Cora Tsouflidou a créé un nouveau concept, juste en faisant ce qu’il est possible de faire et en le poussant plus loin. En aucun cas, elle n’aurait pu imaginer un tel dénouement. La démarche des entrepreneurs chevronnés qui nous ont tant épatés avec leurs idées audacieuses n’a rien d’un « big bang » ou d’un moment de pur génie. Mais plutôt une transformation continue du modèle d’affaires à travers un processus entrepreneurial.
Le monde des affaires est ainsi divisé : les choses sur lesquelles l’entrepreneur peut exercer un contrôle et celles qu’il ne contrôle pas. Nous avons tendance à nous préoccuper des choses qu’on ne contrôle pas. Les entrepreneurs débutent leurs démarches avec leurs moyens du bord.
Travaillez toujours avec des choses qui sont déjà sous votre contrôle. Chacun d’entre vous possède des moyens uniques. Ils peuvent être le fondement de quelque chose de vraiment différent.
Pourquoi commencer avec les moyens que vous avez? Pour deux raisons. Premièrement, vous pouvez agir immédiatement. Vous n’avez pas besoin d’attendre que quelqu’un vous donne 10 millions de dollars pour commencer. Ou encore, de créer un nouveau produit qui vous prendra deux ans à développer. Ce que vous possédez déjà vous est accessible dès maintenant. Deuxièmement, ce que vous possédez est unique à chacun de vous. C’est ce qui vous donne un avantage compétitif. Même si deux entrepreneurs ont exactement la même idée, les moyens différents créeront deux entreprises différentes.
Faire avec ce qu’on a!
Les moyens que vous avez, sont toujours plus importants que vous le croyez. Chaque être humain possède ces trois paniers de ressources:
1. Qui suis-je? Qu’est-ce qui me motive? Que je trouve intéressant? Quelque chose de non négociable pour moi? Comment j’exprime mon identité?
2. Qu’est-ce que je sais ? Quelles sont mes connaissances tacites? Quelles sont les informations que je possède? Quelles sont mes expériences?
3. Qui je connais? Qui sont les personnes et les experts que je connais qui pourraient m’aider à co-créer mon entreprise?
Le deuxième obstacle est, il me manque des ressources pour me lancer. Voyez dans mon prochain blogue comment conjuguer avec ce défi.
