Comment se crée la richesse d’une nation : Une analyse approfondie

Première partie

Par Jean Lepage

Dans les prochains blogues, je vais traiter d’un sujet qui concerne tout le monde, la richesse des nations. Je vais répondre à quatre questions :

  1. Comment est créée la prospérité à l’échelle d’une économie comme le Québec et dans le monde? 
  2. Pourquoi il y a autant de pays pauvres sur la terre? 
  3. Pourquoi tous les pays ne sont-ils pas aussi prospères que la Suisse?
  4. Comme un pays est composé d’entreprises, qu’est-ce qui crée la valeur et la richesse?

Voici ce que je comprends du développement économique. Le développement économique est lié à la diversification et à la complexité des produits et services produits dans une économie, au Québec par exemple. La complexité économique est un concept important à comprendre parce qu’elle est étroitement liée à la prospérité et à notre niveau de vie. 

Afin de mieux comprendre le développement économique, je vais faire un retour sur l’histoire.

Amorcée en 1770 en Angleterre, la révolution industrielle, c’était industrie 1.0, (je vous rappelle que nous sommes rendus à industrie 4.0) s’est graduellement imposée aux autres pays d’Europe et également en Amérique. 

À cette période, la Chine et l’Angleterre avaient des niveaux comparables de développement. Par la suite, plus l’Angleterre se diversifiait économiquement, plus elle distançait la Chine. La grande différence entre l’Angleterre et la Chine, c’était qu’à cette époque, la Chine n’avait pas besoin de se mécaniser aussi vite étant donné sa main-d’œuvre abondante et bon marché. En Chine, il y avait des fours à poterie de 100 mètres de longueur (dragon géant), capables de fabriquer à grande échelle. Mais la main-d’œuvre abondante compensait pour les nouvelles énergies bon marché comme le charbon, largement utilisées en Angleterre.

Image: un exemple de dragon géant, un four à poterie de la Chine

L’arrivée du charbon comme nouvelle source d’énergie va chambouler plusieurs domaines puisque l’énergie produite à faible coût était plus puissante que les sources d’énergies utilisées auparavant. 

La révolution industrielle a changé la donne. C’était la première fois dans l’histoire du monde que la richesse était créée grâce à la fabrication de produits complexes, et aux procédés de fabrication mécanisés. L’industrialisation offrait la possibilité de fabriquer sa propre richesse, plutôt que d’aller la chercher (ou la voler) ailleurs.

Avant 1770, et pendant des siècles auparavant, par tous les moyens, les pilleurs, les conquérants, les commerçants, allaient puiser la richesse ailleurs, sur d’autres continents, afin de la ramener chez eux. La richesse c’était de l’or, de l’argent, des pierres précieuses, des esclaves, des épices… Pensez aux Romains, aux Vikings, à Gengis Khan, aux conquistadors qui ont pillé l’Amérique du Sud.  

En 1776, au début de la révolution industrielle de l’Angleterre, Adam Smith avait écrit le livre «la richesse des nations ». Pour lui, la véritable richesse des nations provenait du travail et notamment de la division du travail. Si les pays se spécialisaient dans la production où ils étaient les meilleurs (avantage absolu) cela contribuerait au bien-être de tous ses habitants.

Selon Smith, nous sommes tous conduits par une «main invisible». Selon cette théorie, en poursuivant son intérêt personnel, chaque personne contribuerait au bien-être général. Donc, si votre boulanger vous fait du bon pain, ce n’est pas pour vous faire plaisir ou par altruisme, mais par pur égoïsme. Parce que ce qui l’intéresse réellement, c’est le moment où vous passerez à la caisse. 

Chaque entreprise va donc essayer de maximiser le rapport qualité/prix de ses produits pour augmenter son chiffre d’affaires et ses profits. Aucune entreprise ne se soucie de créer de la richesse dans une nation. Pourtant, l’intérêt personnel du chef d’entreprise, combinée à de milliers d’autres chefs qui feront la même chose, augmentera naturellement la richesse du pays. C’est la main invisible!

Dans son premier chapitre du livre, « La richesse des nations », Smith parle d’une manufacture d’épingles qu’il aurait visitée et de sa productivité exceptionnelle liée à la division du travail. Chacun des dix ouvriers s’était spécialisé dans une des dix-huit étapes pour fabriquer une épingle, dans un geste très simple, ce qui permettait à l’ensemble du groupe de produire 48 000 épingles par jour, alors qu’il serait difficile pour un seul ouvrier d’en produire plus de 20 par jour. Cette manufacture serait en fait une pure fiction, sortie tout droit de l’imaginaire de Smith. Vrai ou faux! Mais son point demeure valable.

Adam Smith, revolutionary | The Charnel-House

Image: Processus de fabrication des épingles au 18ème siècle.

Toujours selon Smith, la spécialisation est un point central de la productivité et de la richesse. 

Quand il avait écrit ce livre, le pays le plus riche était la Hollande, qui était 4 fois plus riche que le pays le plus pauvre. En 2021, le pays le plus pauvre était le Soudan du Sud.  Aujourd’hui, en multipliant par 4 le PIB/ habitant du Soudan du Sud, on obtient celui du Népal. En multipliant par 4 le PIB du Népal, on obtient celui de l’Indonésie. En multipliant par 4 le PIB de l’Indonésie, on obtient celui de la Pologne. En multipliant par 4 le PIB de la Pologne, on obtient celui de la Suède. Et la Suisse est 60% plus riche que la Suède.

En fait, le troisième pays le plus riche au monde, la Suisse, est 380 plus riche que le Soudan du Sud. Les écarts de richesse entre les nations, qui étaient de 4 pour 1 au 18e siècle, sont désormais de 380 pour 1.

Continuons la discussion sur la différence de richesse entre la Suisse et le Soudan du Sud. Le Soudan du sud est un pays africain enclavé, qui manque de routes, d’écoles, d’hôpitaux et reste extrêmement pauvre, malgré de considérables réserves pétrolières.

Voici ce que la Suède et le Soudan du Sud exportaient en 2020.  

Suède

Soudan du Sud

En comparant ces deux images, la différence entre un des pays les plus riches au monde et un des plus pauvres au monde est frappante.

La Suède exporte une grande variété de biens dans une grande variété de secteurs, dont l’électronique, les médicaments et les voitures. Tandis que le Soudan du sud exporte majoritairement des ressources naturelles, du pétrole brut et de l’or. 

Comment faire en sorte que les habitants participent tous à la richesse?

Il y a une foule de théories à ce sujet. Toutefois, cette image vaut mille mots. C’est la Corée du Nord et la Corée du Sud. On voit clairement la démarcation lumineuse entre un pays très riche et un pays très pauvre (26 fois plus pauvre). On pense naturellement que c’est à cause du type de gouvernance dans ces pays. C’est en partie vrai. Pour que la main invisible de Smith fonctionne bien, il faut des règles claires et saines qui encadrent la compétition.

Image: Les deux Corée vues de l’espace

Nous savons tous que les pays qui sont les moins bien gouvernés sont généralement les plus pauvres.

Mais cela n’explique pas tout. Il faut d’autres ingrédients, parce que la richesse s’exerce aussi à plus petite échelle, à l’échelle d’une province, ou même d’une ville même si elles partagent les mêmes règles. 

Avec la même constitution, les mêmes lois, les mêmes conditions économiques, il y a des différences de richesses entre Tequila et Nuevo Leon, deux états du Mexique. Entre deux villes de taille similaire, située dans la même province, entre Rimouski et Mirabel par exemple. 

Pourquoi cette différence de richesse? Parce que les gens fabriquent des produits plus efficacement que d’autres? Parce qu’on utilise davantage de main-d’œuvre, plus d’espace? Plus de capitaux? Ou plus éducation? 

La différence de richesse est une question de technologies. La technologie est un mot largement utilisé par les technocrates et les politiciens, qui perd son sens à force d’être galvaudé.

Selon le dictionnaire, la technologie c’est l’étude des outils, des machines, des procédés et des méthodes employés dans les diverses branches de l’industrie. 

La technologie est composée de trois choses, 1- des outils pour faire les choses, 2- de beaucoup de savoir-faire (ou d’expertise) et 3- de connaissances codifiées pour transmettre la technologie et la faire voyager.

Aujourd’hui, on peut mettre les outils dans des conteneurs, et les expédier rapidement au Soudan du Sud. Les connaissances codifiées peuvent être transmises plus rapidement à travers le web. Mais le Soudan du Sud manque d’expertises pour la faire fonctionner. Implanter une technologie nécessite donc de l’expertise. Il faut de la pratique pour devenir un expert dans quelque chose. Ce n’était qu’une question d’outils et de connaissances codifiées, il n’y aurait plus de pauvreté depuis longtemps. 

Aujourd’hui, le savoir-faire ne se retrouve pas seulement dans la tête d’un individu, mais dans la tête d’un groupe d’individus complémentaires, qui connaissent différentes choses et qui collaborent pour utiliser une technologie, et surtout, la faire progresser. 

En comparant les savoir-faire productifs entre les économies du monde, on découvre pourquoi certains pays sont riches et d’autres demeurent pauvres.

Comment mesure-t-on le savoir-faire productif? C’est ce que je traiterai dans un prochain blogue.

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