Par Jean Lepage
Le Québec, comme de nombreuses économies modernes, fait face à un triple défi : une baisse de la productivité, un recul de l’entrepreneuriat et un manque d’innovation. Parallèlement, la menace de nouveaux tarifs douaniers, notamment sous la présidence Trump, souligne l’importance de renforcer la souveraineté économique de la province. Dans ce contexte, l’approvisionnement public représente une opportunité majeure pour les entreprises québécoises. Avec plus de 200 milliards de dollars dépensés chaque année par les paliers de gouvernements (fédéral, provinciaux et municipaux) en biens et services, il s’agit d’un levier économique sous-exploité pour favoriser la croissance des PME, stimuler l’innovation et renforcer la productivité.
Pourquoi l’approvisionnement public est-il un levier essentiel pour les PME ?
1. Un marché structurant pour les PME
Les PME ne captent qu’une fraction des contrats publics, souvent en raison de barrières administratives et de la concurrence des grandes entreprises. À titre comparatif, aux États-Unis, des programmes comme les « Set-Asides » garantissent que 23 % des marchés fédéraux sont attribués aux PME, ce qui leur permet de croître et d’innover plus rapidement.
2. Une réduction de la dépendance économique
La crise des chaînes d’approvisionnement et la menace de tarifs protectionnistes aux États-Unis ont mis en évidence la vulnérabilité du Québec face aux fournisseurs étrangers. Un approvisionnement public mieux orienté vers les entreprises locales permettrait de :
- Réduire la dépendance aux importations en favorisant la production domestique.
- Sécuriser des chaînes d’approvisionnement stratégiques.
- Accroître la résilience économique face aux fluctuations du commerce international.
3. Un effet multiplicateur sur l’économie
Investir dans les PME via l’approvisionnement public génère un effet multiplicateur important. Chaque dollar investi dans une entreprise locale crée jusqu’à 2,5 fois plus de retombées économiques qu’un dollar dépensé auprès d’un fournisseur étranger.
Mes recommandations pour améliorer l’accès des PME aux contrats publics
1. Instaurer un pourcentage minimal de contrats réservés aux PME
Le gouvernement fédéral, le gouvernement du Québec, les municipalités et les organismes parapublics devraient s’inspirer des États-Unis et imposer un seuil minimal (ex. : 25 % des contrats publics) destiné aux PME, assurant ainsi une part de marché plus équitable.
2. Simplifier les processus d’appels d’offres
Actuellement, les processus sont trop complexes et dissuadent les PME de soumissionner. Il faudrait :
- Réduire le volume de documents exigés.
- Mettre en place des modèles standardisés et simplifiés.
- Offrir un accompagnement personnalisé aux PME pour répondre aux appels d’offres.
- Valoriser les solutions innovantes.
3. Favoriser l’innovation et le développement durable
L’approvisionnement public peut être un moteur de transformation en intégrant des critères favorisants :
- L’innovation technologique (ex. : prioriser des solutions émergentes développées localement).
- L’empreinte environnementale (ex. : favoriser les fournisseurs ayant des pratiques écoresponsables).
La transformation pourrait se faire à travers des programmes inspirés des RIT et IDEeS
- Le programme des retombées industrielles et technologiques (RIT) oblige, par contrat, les entreprises qui se voient attribuer des contrats d’approvisionnement à mener des activités commerciales au Canada d’une valeur qui équivaut à celle des contrats qu’ils ont obtenus. On pourrait le rendre davantage accessible aux PME, qui même si elles participent à plus de la moitié des transactions liées aux RIT, elles ne comptent que pour 12,2 % de leur montant total.
- Le programme Innovation pour la défense, l’excellence et la sécurité offre du financement afin d’accélérer l’élaboration des concepts et propulsons les solutions vers l’avant, en construisant un écosystème d’innovation pour la défense. Le but de ce programme est d’améliorer l’accès du ministère au potentiel créatif des innovateurs canadiens. On pourrait étendre ce programme à d’autres secteurs, comme la santé, l’environnement et le transport durable.
4. Créer une plateforme unique pour centraliser les opportunités
Beaucoup d’entrepreneurs ignorent l’existence des opportunités d’affaires avec l’État. Une plateforme nationale regroupant tous les appels d’offres publics avec des filtres adaptés aux PME (taille, secteur, localisation) simplifierait l’accès aux marchés publics.
5. Offrir des incitatifs aux grandes entreprises pour qu’elles sous-traitent aux PME
Encourager les grands fournisseurs gagnant des contrats publics à travailler avec des PME locales en imposant des quotas de sous-traitance et des exigences de contenu local.
Conclusion
L’approvisionnement public est un levier puissant pour stimuler la croissance des PME, renforcer l’autonomie économique du Canada et favoriser l’innovation. En appliquant des mesures concrètes pour simplifier l’accès aux marchés publics et favoriser les entreprises locales, les gouvernements peuvent transformer ces dépenses en un véritable moteur de prospérité nationale.
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