Suspension des brevets : Une réponse économique aux tensions commerciales

Par Jean Lepage

L’actualité commerciale internationale connaît depuis quelques années des tensions accrues, notamment avec l’instauration de tarifs punitifs par l’administration Trump. Un article récent dans La Presse, intitulé « S’inspirer de la ‘guerre de la banane’ pour répliquer à Trump ? », propose une approche originale qui pourrait servir d’outil de riposte économique. Au début des années 2000, l’Équateur avait répliqué à des droits de douane européens sur les bananes en suspendant les droits d’auteur sur des CD et d’autres produits culturels. En nous appuyant sur cette tactique, nous pourrions aider les fabricants québécois à créer de nouveaux produits, contribuant ainsi à diversifier notre économie.

L’idée centrale repose sur la suspension des protections de brevets pour des raisons de « sécurité nationale ». Concrètement, le gouvernement canadien pourrait permettre aux entreprises locales de produire des biens brevetés (américains) – notamment dans le secteur technologique et de la fabrication – en payant des royautés minimales. Cette stratégie n’est pas sans précédent : en 2001, lors d’une crise sanitaire liée à l’anthrax, le Canada avait envisagé une mesure similaire avec Apotex pour fabriquer une version générique du CIPRO, bien que la pression internationale ait finalement contraint le gouvernement à reculer . En vertu de la loi sur les brevets, le gouvernement aurait pu obtenir une autorisation pour produire une version non brevetée du CIPRO à des fins non commerciales, mais il n’a pas fait cette demande.


Efficacité de la stratégie pour répliquer aux tarifs

Avantages Potentiels

  • Réduction des coûts de production : En produisant des technologies brevetées à moindre coût (royautés de seulement 4 %), les entreprises pourraient proposer des prix plus compétitifs, offrant ainsi un allégement pour les contribuables et stimulant l’économie locale.
  • Pression sur les détenteurs de brevets américains : En forçant les entreprises américaines à faire face à une modification du paysage des protections intellectuelles, cette tactique pourrait inciter ces dernières à remettre en question les politiques tarifaires agressives de Trump.
  • Effet d’entrée en cascade : Si le Canada adoptait une telle mesure, d’autres pays pourraient emboîter le pas, créant ainsi un environnement international moins favorable à l’imposition de tarifs unilatéraux.

Opportunités pour les Fabricants Québécois

Pour les fabricants québécois, la mise en œuvre de cette stratégie pourrait se traduire par plusieurs bénéfices :

  • Accès à des technologies clés à coûts réduits : La suspension des brevets permettrait la fabrication locale de produits jusque-là soumis à des droits de propriété intellectuelle coûteux. Cela offrirait une opportunité de réduire les marges de royautés et d’investir dans la recherche et le développement.
  • Renforcement de la compétitivité locale : En allégeant la pression financière, les entreprises québécoises pourraient investir dans l’innovation, améliorer leur compétitivité sur le marché international et offrir des produits à des prix plus abordables aux consommateurs canadiens.
  • Dynamisation de l’économie régionale : Une telle mesure pourrait stimuler l’activité économique au Québec en favorisant la production locale, créant des emplois et renforçant l’autonomie industrielle face aux pressions extérieures.

Risques et Limites

Impact sur les relations bilatérales : Une telle décision risquerait de déstabiliser les relations commerciales avec les États-Unis, ce qui nécessiterait une coordination étroite entre les gouvernements et les secteurs industriels pour en atténuer les conséquences négatives.Conclusion

Retombées politiques et commerciales : L’utilisation du critère de « sécurité nationale » pour suspendre les brevets est une démarche audacieuse qui pourrait être perçue comme provocatrice, exposant le pays à des représailles juridiques ou économiques.

Conclusion

Bien que comportant certains risques sur le plan politique et commercial, la stratégie inspirée de la « guerre de la banane » apparaît comme une tactique innovante pour contrer les tarifs imposés par Trump. En réintroduisant un mécanisme ancien, mais potentiellement redoutable, le Canada – et plus particulièrement les fabricants québécois – pourrait transformer une mesure punitive en levier de compétitivité et de souveraineté économique. La clé résidera dans la capacité des décideurs à mettre en œuvre cette stratégie de manière concertée, en équilibrant les impératifs économiques avec les enjeux de relations internationales.

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