Par Jean Lepage
New York, Seattle, Baltimore, Elgin… Ces villes nord-américaines ont quelque chose en commun : elles sont en train de changer leurs règles de zonage pour permettre à de petits fabricants — artisans, créateurs de vêtements, torréfacteurs, transformateurs alimentaires — de revenir dans les centres-villes.
Oui, oui, vous avez bien lu. Alors que pendant des décennies on a repoussé toute activité manufacturière vers les parcs industriels à la périphérie, ces villes font le chemin inverse. Elles ouvrent la porte à une forme d’économie urbaine oubliée : celle des petites manufactures de quartier.
Un retour vers l’avenir
Pendant des générations, les centres-villes étaient vivants, mixtes, actifs. Les boulangers, les menuisiers, les fabricants de chapeaux ou les tailleurs faisaient partie intégrante du tissu urbain. Puis le zonage a séparé les usages : ici les commerces, là les maisons, là-bas, loin dans les parcs industriels, les usines.
Mais cette séparation a eu un coût : des rues vides, une économie désincarnée, et des centres-villes qui peinent à se renouveler.
Aujourd’hui, dans un monde post-pandémie où l’achat local et la production à échelle humaine sont en croissance, les villes redécouvrent les vertus de l’artisanat moderne intégré à la ville.
Pas des usines fumantes, mais des ateliers de création
Ne confondons pas : il ne s’agit pas de ramener les aciéries dans les quartiers résidentiels. Les villes comme Baltimore ou Elgin permettent maintenant à des microentreprises — souvent avec moins de 30 employés — de fabriquer sur place et de vendre dans le même espace. Un torréfacteur avec sa salle de dégustation. Une couturière qui vend ses créations. Une brasserie artisanale qui embauche deux voisins.

Ces entreprises ne génèrent pas de pollution, ni de trafic lourd. Elles contribuent à diversifier l’économie locale, à créer des emplois de proximité et à revitaliser les rues commerçantes gravement touchées par le commerce en ligne, autrement condamnées aux vitrines vides.
Et dans les villes du Québec, qu’est-ce qu’on attend ?
Les centres-villes regorgent de potentiel. Ils sont bien situés, bien desservis, et prêts à accueillir une nouvelle génération d’entreprises. Mais actuellement, le zonage interdit ou restreint fortement la petite fabrication. Résultat : des artisans sont forcés de s’installer en périphérie, ou… de ne jamais passer à l’action.
Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui se fait ailleurs ? Pourquoi ne pas tester, dans certains secteurs ciblés, un zonage plus souple qui permettrait aux petits producteurs de s’établir là où vivent leurs clients ?
Cela demanderait :
Un peu d’ouverture réglementaire, des outils d’accompagnement (financement, locaux abordables), Et surtout, une volonté politique de bâtir une économie plus humaine.
Une ville à échelle humaine
Repenser le zonage pour réintégrer la production artisanale, ce n’est pas un retour en arrière. C’est un saut vers une ville vivante, créative, résiliente. Une ville où les rues ne sont pas seulement des lieux de passage, mais des lieux de fabrication, de partage et d’innovation.
Quelle sera la première ville au Québec à prendre ce virage ?
